les Souvenirs

LES SOUVENIRS

Le tout début 

LE TOUT DÉBUT

L’histoire de l’épisode helvétique à Rudevent commence en novembre 1975. Nous étions alors toute une bande d’amis entre 17 et 25 ans à nous occuper d’une école de voile sur le Léman et de son annexe en Corse qui avait débuté en 1973. Nous nous réunissions régulièrement au café de la Rade aux Pâquis et nous y élaborions tous nos projets. Après une discussion un peu agitée sur l’opportunité de continuer l’école de voile en Corse, une proposition un peu folle a surgi : celle de partir le week-end suivant en voiture en Bretagne pour trouver une alternative à la Corse.

Quatre d’entre nous se lancent, empruntent la voiture d’un père complaisant et partent un vendredi soir de novembre sous la pluie. Comme les autoroutes étaient quasi inexistantes entre Genève et la Bretagne, nous mettons bien 15 heures de route et arrivons au petit matin à Vannes. Nous explorons la région en questionnant tous les passants rencontrés sur l’opportunité de louer ou d’acheter un terrain ou une maison. Nous embarquons sur le bateau pour l’Ile-aux-Moines que nous visitons sommairement et notre route nous amène un peu par hasard à Conleau où le bateau pour l’île d’Arz est sur le point de partir.

Nous sautons dessus et débarquons à l’île d’Arz. Le minibus nous amène au bourg et là aussi nous questionnons quelques passants. L’un d’eux nous envoie chez l’adjointe du maire de l’époque qui habite à Pénero. Elle nous accueille les bras ouverts, sort un far du four et nous explique qu’il y aura peut-être un bâtiment à vendre du côté de Rudevent. Nous allons le voir, il est 4 h de l’après-midi, il fait sombre, il pleut, c’est marée basse, bref rien de bien affriolant. Nous dénichons une échelle et visitons le bâtiment en entrant par une fenêtre de l’étage. Tout cela nous semble prometteur malgré l’ampleur des travaux à prévoir. Nous sentons que ce pourrait bien être ce que nous cherchons. Nous prenons quelques photos en noir et blanc et allons dormir à l’hôtel de l’Escale.

Le lendemain, nous prenons la route et passons notre dimanche à rentrer en Suisse.

Nous sommes assez enthousiastes mais nous n’y croyons pas trop. Le bâtiment n’est pas officiellement en vente et cela risque de prendre du temps. Décembre, janvier passent et nous avons pratiquement oublié et enterré l’idée. Grosse surprise fin février, nous recevons une lettre de la mairie nous indiquant que le bâtiment est à vendre et qu’il faut aller voir le propriétaire à Paris.

Nous sautons dans le train, allons à Paris et rencontrons le propriétaire avec lequel nous passons rapidement un accord de principe oral suivi d’une simple lettre confirmant notre accord. Nous rentrons à Genève et commençons à élaborer notre projet. Nous réunissons toute l’équipe habituelle, nous leur exposons le projet. La maison est à vendre 250.000 FF plus 10.000 FF de dédommagement pour l’association Les Compagnons de la Mer qui occupent encore la maison. A l’époque, c’est l’équivalent de CHF 110.000. Nous ouvrons la souscription à tous ceux qui souhaitent participer financièrement à l’entreprise. 4 personnes se décident spontanément : Edouard, Yvan, Daniel et Michel. Nous grattons les fonds de tiroir, les carnets d’épargne, les emprunts aux parents et nous arrivons à mettre chacun 15.000 CHF. Cela ne couvre pas tout mais nous comptons sur la première année d’activité pour remplir la caisse. Nous confirmons au propriétaire notre intention d’acheter le bâtiment et nous nous lançons dans l’organisation de notre première saison.

Nous sommes début mars et le temps presse. Nous savons que nous avons les encadrants en suffisance, issus de l’école de voile en Corse ainsi que la clientèle qui est prête à nous suivre. Les Compagnons de la Mer acceptent de nous vendre quelques bateaux, 3 carricks, petits ketchs de fabrication artisanale moulés sur une coque de Kotick de Herbulot. Il y a également un Kotick appelé fort justement l’Aventure. S’ajoutent à cela un Ponant plus quelques coques de dériveurs.

Nous nous décidons de compléter cette flottille par plusieurs Corsaires que nous achetons sur le Léman, faute de temps. Nous en trouvons 3 en parfait état et nous en achetons un 4ème à Rennes par correspondance sans le voir.

Nous décidons d’y aller aux vacances de Pâques afin d’organiser la saison. Nous louons un wagon de la SNCF et nous chargeons nous-même à la grue nos trois Corsaires.

Nous empruntons à nouveau la voiture d’un père complaisant et nous prenons la route en passant par Rennes pour aller chercher notre 4ème Corsaire, une vénérable antiquité de 1961. Nous dessinons une fausse plaque au stylo-feutre et arrivons à Vannes dans cet équipage.

Nous entamons les formalités pour dédouaner et décharger nos trois Corsaires mais cela semble bien compliqué. Aucun douanier ne semble savoir ce qu’il faut faire et menace de faire envoyer le wagon à Lorient, moyennant frais et temps perdu impossible pour nous. Nous attendrons une bonne semaine que la situation se débloque grâce à un coup de tampon dont la France a le secret.

Pendant ce temps, nous investissons la maison sous le regard un peu ahuri de quelques membres des Compagnons de la Mer encore sur place qui n’ont encore jamais vu une pareille tornade s’introduire dans la maison. Notre énergie est sans limites et nous commençons à tout sortir, tout nettoyer, casser des murs et organiser les choses comme bon nous semble. Aucun document officiel n’a encore été signé mais rien ne nous arrête.

2 jours avant de devoir repartir, nous n’avons que 2 semaines de vacances, nous obtenons le feu vert de la douane pour décharger nos bateaux. Nous mettons à l’eau le Corsaire de Rennes et avec la remorque, nous déchargeons un par un les 3 Corsaires restés sur le wagon. Nous arrivons en fin d’après-midi à avoir tous nos bateaux sommairement mâtés, tous remplis de matériel jusqu’au plafond, sans aucun moteur et nous voilà partis les uns après les autres dans le chenal de Vannes toutes voiles dehors par un bon vent d’est bien soutenu. Les trois premiers bateaux arrivent à Conleau sans encombre et nous attendons le 4ème qui tarde.

La nuit tombe et nous commençons à être véritablement inquiets. Soudain des appels au secours dans la nuit, le 4ème Corsaire a cassé son mât en bois et l’équipage a réussi à attraper une bouée près de l’embarcadère de Conleau. Le passeur va récupérer l’équipage et nous embarquons tous pour Rudevent en laissant nos bateaux sur ancre jusqu’au lendemain. Après une bonne nuit, nous repartons chercher nos bateaux et les acheminons à Rudevent.

Il est temps de rentrer en Suisse et d’organiser les stages. 5 périodes de 2 semaines sont prévues de fin juin à fin août et nous ouvrons les inscriptions. Nos prévisions sont bonnes et les stages se remplissent rapidement, amenant un peu d’argent frais dans les caisses.

Nous y retournerons à Pentecôte peaufiner les préparatifs et fin juin, nous attaquons la première saison, par un ciel sans nuages pendant tout l’été et par une chaleur torride. 1976 fut la canicule du siècle. Nous ne nous apercevrons que l’année suivante que le toit fuit de partout.

Ce n’est qu’en septembre 1976 que nous signons les papiers officiels de l’achat de la maison.

La suite est une longue histoire à compléter par tous ceux qui ont des souvenirs à rapporter. Merci d’avance

Michel.

© Olivier Hochstaetter 2014